Jean BRETON, 10e compagnie, écrit
Départ à 3 h. 15. Une brigade française, qui s'était trop avancée, s'est fait écraser hier. Nous allons à son secours.
La compagnie est aux Gros. Je suis flanc garde à droite. Je reçois l'ordre de me porter à la sortie Est des Gros. J'organise une garde d'issues. La compagnie rejoint. Nous nous portons en avant du village. Une de mes demi-sections, sous les ordres du sergent Perrin, se barricade dans une maison avec l'ordre de tenir jusqu'au bout en tirant par les fenêtres.
Avec l'autre demi-section je me porte à gauche de la route, entre deux carrières, pour battre de mon feu les abords de la route.
Ma position est installée en tout sur une position défensive. Mais l'offensive et la retraite me sont également impossibles à cause des deux canons entre lesquels je me trouve. Je ne peux me retirer que par la droite.
7 h. 1/2. Les premiers coups de fusil sont entendus. Il fait enfin beau. La pluie a cessé ; mes effets ont à peu près secs. Bon soleil d'Alsace
8 h. 10. Je relève le rapide petit plan ci-contre :
Carte 0004
Les coups de feu ont cessé.
Oublié de noter que ce matin nous avons laissé nos sacs et les cuisiniers à Sainte-Marie, c'est donc que nous y reviendrons.
9 heures. Le capitaine me charge de communiquer à la section du lieutenant Bonnet, qui garde la voie ferrée, que 40 ennemis occupent une position à un kilomètre en avant.
D'autre part une troupe en marche a été vue s'avançant probablement par la voie ferrée qui est bordée d'arbres et de haies. Il devra envoyer soit un poste, soit une patrouille en avant. (Le lieutenant Bonnet, 5e Cie, a été blessé lors de l'attaque par le 75e et le 140e des tranchées du col de Basgenet. Il était remis sur pied deux jours après et reprenait son commandement.)
9 h. 1/2. Ordre du capitaine : Attention, patrouille sur la route.
9 h. 50. Coups de feu rapprochés. Nous prenons les positions de tir. Des cavaliers reviennent. C'est eux qui ont tiré sur un groupe de cavaliers allemands.
Le calme renaît à dix heures. Nous restons sur nos positions de tir.
Le lieutenant Luc Pupat croit apercevoir au loin une troupe qui se retire, Les Allemands battraient-ils en retraite sous la couverture de patrouilles de cavalerie chargées de nous couvrir? C'est bien possible, s'ils sont renseignés sur notre situation qui est excellente. Ces sacrés nous ne les avons pas encore vus en face une seule fois.
10h. 1/4. - Renseignements des cavaliers : Une colonne avance par la ligne du chemin de fer. Je donne l'ordre à un caporal et trois hommes de faire face à la voie ferrée, si l'attaque s'y produit.
10 h. 45. Canon dans le lointain.
Le capitaine donne l'ordre de manger sans quitter les emplacements de combat.
11 h. 10. Ordre : Se tenir prêts à revenir sur Sainte-Marie. Nous devions en effet, paraît-il, tenir la frontière jusqu'à onze heures.
Nous rentrons à Sainte-Marie.
Il commence à y avoir des malades. Aujourd'hui c'est mon tour. Après m'être drogué et avoir mangé dans une auberge, sur l'ordre du capitaine, je vais me reposer. Je trouve un lit chez une bonne vieille; je me couche à 4 heures.